Il y a neuf mois, j'étais dans une chambre d'hôpital. Malade, affaiblie. Mes reins et moi, vous savez, c'est une sale histoire.
J'étais terriblement mal, et pas seulement parce que les plateaux repas de la clinique étaient infâmes. Physiquement d'abord, c'est une chose. Spirituellement, c'en est une autre.
Si proche de la souffrance et de la mort, moi qui fanfaronne toujours que je n'ai aucun problème avec elle ( ce qui est un peu vrai, mais ça a l'air moins évident quand ça me concerne ), j'ai vu tout ce que j'avais fait, et surtout tout ce que je n'avais pas fait.
Je suis sortie de là en me disant que cette fois on ne m'y reprendrait pas. Me lamenter, pleurer sur mon petit sort, gémir bêtement, m'agacer quand une chambre n'est pas rangée, voir ce fichu verre à moitié vide, ne pas profiter des câlins, des ballades et de la plage au bout de la rue. Etre mère avant d'écrire, mais écrire avant de mourir. J'ai juré la main sur le coeur que cette fois, la vie est trop courte, regarde un peu comment tout peut s'arrêter en un quart de seconde, Carpe Diem, ô Capitaine mon Capitaine.
Neuf mois plus tard, si je devais mourir ce soir, demain ou dans un mois, qu'aurais-je fait de plus. Rien. Ou en tous cas pas grand chose.
Je n'aurais pas vraiment été mère, ni vraiment écrit. Autant dire que l'on retiendrait comme une médiocrité maladive. C'est peut-être ça qui m'a tué.
J'ai réalisé cela ces jours-ci quand, malade encore une fois, j'ai repensé à ma philosophie perdue au détour du chemin de l'ordinaire.
Un ami prêtre m'a dit cet été : "Nous serons jugés sur l'amour. Moi j'espère ne pas mourir tout de suite, sinon au Ciel, je ne serai vraiment pas au premier rang. J'aurai plutôt un misérable strapontin au fond."
De mon strapontin, où je suis affalée, le corps endolori par la fatigue, cette fatigue malsaine, brodée d'angoisses et de colères, je vais essayer de grapiller quelques sièges ce week-end. En allant acheter une pompe à vélo, des fruits rouges pour le petit déjeuner et en faisant sauter tomber quelques crêpes.