Le plus dur
On me dit souvent que je suis teeeellemeeeent courageuse. On me demande souvent qu'est-ce-qui est le plus dur, dans cette vie de mère célibataire. On me le demandait déjà quand j'étais mère au foyer. C'est à croire que j'ai toujours l'air d'avoir une vie à la mine. Mes réponses ont bien changé depuis 11 ans, et elles changent encore.
Avant, je disais que c'était le fait de ne parler qu'à un bébé toute la journée.
Puis ça a été le fait d'avoir le nez dans mon ménage toute la journée.
Puis encore le fait de devoir cuisiner à tous les repas.
Puis le fait de ne pas faire marcher mon cerveau autrement qu'en essayant de résoudre le problème de ma machine à ma pain ou de comprendre pourquoi mon enfant était encore enrhumé.
Puis le fait de ne sortir que pour aller chez le médecin ou à la pharmacie.
Puis le fait, et c'est toujours un peu vrai, parce que même maintenant que je travaille, je n'en ai toujours pas, de ne pas avoir d'arrêt maladie. Ne pas avoir d'arrêt maladie, ne pas pouvoir s''arrêter de travailler, parce que le travail des mères au foyer, c'est leur maison et leurs enfants.
Alors évidemment, pour moi c'est un peu double peine, parce que maintenant je travaille de chez moi. Donc j'ai les enfants, je travaille, je suis malade, je travaille, j'ai les enfants, c'est un cercle un peu vicieux mais enfin je ne me plaindrai pas : j'ai un travail formidable, je fais ce que j'aime, je vis de ce que je sais faire. Et comme il n'y a pas grand chose que je sais faire, c'est une aubaine.
Depuis deux ans, le plus dur, et peut-être défintiviement le plus dur, c'est de ne pas avoir de relais. N'avoir personne pour m'aider. Pour me dire "reste dans ton lit, je m'occupe des enfants". Cette phrase, le jour où je l'entendrai, je vous garantis que je pleurerai de joie.
Personne, jamais, pour me relayer. Si je ne me lève pas, si je ne fais pas la vaisselle, si je n'étends pas le linge, si je ne prépare pas un repas, personne ne le fera à ma place.
Je vous garantis qu'à la longue, c'est épuisant, de ne pouvoir compter que sur soi. C'est tellement épuisant que je suis épuisée, ce qui explique - un peu beaucoup - ces quelques jours de silence. Je concentre mon énergie pour faire des trajets d'école, travailler au moins un peu parce que même les pommes de terre ne tombent pas du ciel, aimer mes enfants. Et aimer, aimer vraiment, ça demande sacrément de l'énergie. surtout en période de coupe du monde avec des garçons à ne pas décevoir.
N'avoir jamais de relais, ne jamais compter que sur soi. Trouver la force de se lever, et ne pas savoir si on l'aura demain. Sentir que la réserve fond comme neige au soleil, et se demander par quel miracle on va pouvoir continuer à rester debout. Rester debout quand même. Mais à quel prix.
On me dit souvent que je suis teeeellemeeeent courageuse. Dîtes-vous bien que je ne le suis pas. Je ne le suis pas du tout. Je n'ai juste pas le choix.
#BrefJeChercheUnRelais